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L’Europe va devoir affronter une nouvelle tempête financière

Une tribune publiée dans Le Cercle Les Echos

LE CERCLE. Après six mois de répit, de janvier à juin 2012, l’imbroglio souverain et bancaire en Espagne, qui tourne de plus en plus au cauchemar, va replonger l’Europe dans une tempête financière d’une violence inouïe. Il faudra prendre des décisions politiques radicales avec la mise en place d’une fédération budgétaire dans la zone euro et d’une supervision bancaire centralisée au niveau européen.

La dégradation  par l’agence Standard&Poor’s  de la note sur la dette souveraine de l’Espagne, de A à BBB+ (avec une perspective “négative”) , et par la même occasion – c’est une conséquence mécanique – de la note de crédit de 16  banques espagnoles, intervient au moment où les statistiques du PIB trimestriel montrent que le pays est entré en récession (-0,3% au T1 2012 après -0,3% au T4 2011). La perspective “négative” signifie que les titres d’Etat espagnol et ceux des principales banques ibériques pourraient désormais basculer très rapidement dans la catégorie spéculative (en deçà de BBB-, c’est déjà le cas pour Banco Sabadel, Banca Civica et Banco Financiero de Ahorros), leur fermant définitivement l’accès aux portefeuilles des grands investisseurs institutionnels européens et américains (compagnies d’assurances, fonds de pension).

Cela intervient aussi à un moment où des rumeurs circulent sur la mise  en place d’une “bad bank” par le gouvernement, une structure de défaisance collective qui serait chargée de récupérer et de gérer les actifs immobiliers compromis qui sont encore au bilan des banques. Cette bad bank, sur le modèle de la NAMA irlandaise, ferait automatiquement apparaître un besoin de financement de plusieurs dizaines de milliards pour le gouvernement, alourdissant d’autant son déficit et conduisant à des dégradations supplémentaires de sa note souveraine. Les autorités ont vite démenti qu’un tel projet était en préparation et la Commission Européenne a apporté sa confiance au gouvernement dans sa capacité à gérer la recapitalisation du secteur bancaire sans avoir recours à une aide extérieure.

Le problème, c’est qu’en plus des actifs immobiliers compromis dont la valeur diminue à mesure que le pays s’enfonce dans la récession, les banques commerciales espagnoles sont devenus les “acheteurs en dernier ressort” de la dette souveraine, en utilisant les prêts “concessionnels” à long terme accordés par la BCE (le fameux LTRO) à hauteur de 250 milliards (soit 25% du total des fonds mis à disposition par la BCE pour les banques européennes). Les investisseurs étrangers se sont quant à eux depuis longtemps délestés de leurs titres d’Etat espagnols, accentuant la vulnérabilité des banques nationales en cas d’arrêt brutal du LTRO.

L’Europe se trouve donc une fois encore confrontée à un dilemme : soit elle décide maintenant d’aider l’Espagne à recapitaliser son secteur bancaire – ce qui serait la solution la plus sensée pour limiter les pertes, quitte à recapitaliser dans la foulée la dette souveraine – soit elle attend encore six mois et le problème aura pris beaucoup plus d’ampleur, à mesure des dégradations supplémentaires des notations souveraines et bancaires. Pendant ce temps, la BCE est chargée de “porter la patate chaude”, au moins jusqu’à l’examen de la reconduction du LTRO en juillet. Au vu de l’inertie des mécanismes de décision au niveau communautaire et de la paralysie en France à cause des élections (le prochain gouvernement ne sera vraiment opérationnel qu’à la mi-juin), on voit mal la BCE mettre un terme au LTRO à un moment aussi critique.

Après la Grèce, on s’achemine donc lentement mais sûrement vers un plan de restructuration à grande échelle de la dette souveraine et bancaire espagnole, qui va éprouver les nerfs des dirigeants et des marchés. Cela devrait se traduire par un regain de volatilité sur les marchés et nécessitera des décisions politiques beaucoup plus radicales que celles qui ont déjà été prises, dans le sens du fédéralisme budgétaire et de la mise en place d’une supervision bancaire centralisée au niveau européen. Après six mois de répit, de janvier à juin 2012, l’Europe va affronter un ouragan financier d’une force considérable. Elle pourrait en ressortir plus forte ou brisée, selon les décisions qui seront prises.

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