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Une plongée au coeur des économies et des réseaux de décision du Golfe

Que sait-on exactement des monarchies du Golfe ? Tout le monde peut citer l’investissement du fond souverain du Qatar dans le Paris Saint-Germain, ou encore la démesure des gratte-ciels de Dubaï, mais on s’arrête souvent à ces clichés et à ces stéréotypes. Le livre de François Aissa-Touazi *, très fin connaisseur de la région et acteur engagé dans les échanges économiques et financiers entre la France et le Golfe, tombe à point nommé pour dissiper ces stéréotypes, et pour affiner notre connaissance de ces marchés.

Les pays du Golfe sont l'objet de tous les fantasmes et de toutes les convoitises. Ces dernières années, leur formidable montée en puissance a placé au centre de la carte du monde cette région en plein essor. Les leaders économiques de la péninsule arabique s'imposent partout, en Europe et en Asie, en Amérique du Nord comme en Afrique, et dans de nombreux domaines : de la finance au sport, en passant par l'industrie, l'immobilier, les transports, les nouvelles technologies, les médias... Leurs fonds souverains, dotés d'une capacité financière sans pareille, se sont hissés au rang d'acteurs majeurs du capitalisme mondial. Aujourd'hui cette région est non seulement pleinement entrée dans l'histoire mais elle compte bien l'écrire à son tour. Ce miracle, elle le doit à ses dirigeants d'entreprises, aux ambitions et aux moyens considérables, à ses puissantes familles, à la tête de conglomérats tentaculaires et à ses nouvelles générations, formées dans les meilleures universités du monde. Ils incarnent le Golfe émergent. Dans cette partie du globe marquée par un environnement géopolitique instable et confrontée à de nombreux défis, un mouvement mûrement réfléchi de diversification économique, amorcé dans les années 1980, s'accélère dans l'optique de réussir l'après-pétrole et faire de la région un des moteurs de l'économie mondiale. Qui sont ces hommes, et ces femmes aussi, qui, de Riyad à Doha, de Dubaï à Djeddah, en passant par Abu Dhabi et Koweït City, dessinent l'avenir de leur région, parmi les plus bouillonnantes et influentes ? C'est à la découverte de ces dirigeants, de leur pouvoir et de leurs stratégies, que ce livre vous invite !
Les leaders économiques de la péninsule arabique s’imposent partout, en Europe et en Asie, en Amérique du Nord comme en Afrique, et dans de nombreux domaines : de la finance au sport, en passant par l’industrie, l’immobilier, les transports, les nouvelles technologies, les médias…  Qui sont ces hommes, et ces femmes aussi, qui, de Riyad à Doha, de Dubaï à Djeddah, en passant par Abu Dhabi et Koweït City, dessinent l’avenir de leur région ? C’est à la découverte de ces dirigeants, de leur pouvoir et de leurs stratégies, que ce livre vous invite !

Et il y a urgence ! Les entreprises françaises sont encore trop peu présentes dans cette région du monde qui concentre les plus grandes réserves financières au monde après la Chine et le Japon, et qui constitue un véritable pivot économique et commercial entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique. Si le faste “bling bling” de Dubaï et la diplomatie à 360 degrés du Qatar sont connus, et souvent caricaturés à l’excès, les grands événements internationaux à venir tels que l’Exposition universelle 2020 à Dubaï et la coupe du monde de football au Qatar en 2022 vont remettre ces pays sous le feu des projecteurs. Et la concurrence sera rude au niveau international pour avoir une part de ce marché émergent en pleine expansion, nonobstant la chute du prix du pétrole dont l’effet est modéré par les réserves de devises colossales, et le faible “break-even” assurant la rentabilité des investissements pétroliers et gaziers dans la région – contrairement à la Russie, au Venezuela ou à l’Iran.

Les enjeux sont réels pour la France, et pas seulement pour la dimension énergétique et pour le risque géopolitique qui sont traditionnellement associés à cette région. Comme le reporte l’auteur du livre, “en 2013, dans la région, la Corée du Sud a signé pour 80 millions de dollars de contrat, soit environ dix fois plus que notre pays !”. De plus “seules 3% de nos entreprises exportatrices ont des relations commerciales avec l’Arabie saoudite, avec une forte composante “défenses” ”. Et les échanges commerciaux avec l’Arabie saoudite, qui fait pourtant partie du G20, avoisinent seulement 10 milliards de dollars. Ces échanges sont essentiellement concentrés dans le domaine de l’énergie et des infrastructures de base, avec y compris dans ces domaines un potentiel de progression qui reste encore très important.

La récente décision de l’Arabie saoudite – avec l’appui des autres pays du Conseil de coopération du Golfe – de ne pas réduire sa production d’hydrocarbures, quel que soit l’impact de cette décision sur le cours du pétrole à court terme, tout en préservant les investissements gigantesques réalisés dans le secteur, témoigne de la confiance qu’ont les acteurs locaux dans leur capacité à résister à une baisse temporaire de recettes, et leur pari sur le très long terme. La diversification économique est en marche, et même si l’industrie pétrogazière continuera d’occuper une place stratégique, en lien avec le développement des économies émergentes de l’Asie de l’Est, du Sud et du Sud-Est, de plus en plus consommatrices et importatrices d’hydrocarbures, d’autres secteurs économiques prennent aujourd’hui le relais comme le transport aérien et maritime, le tourisme, l’immobilier résidentiel et commercial et la finance.

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Comment développer la présence française dans la région ? François-Aissa Touazi constate une amélioration avec l’accroissement des moyens diplomatiques dévolus à la région, dans le cadre de la nouvelle diplomatie économique promue par Laurent Fabius. Mais “les entreprises françaises doivent se montrer moins frileuses, ne pas se contenter de vendre, mais aussi investir, faire des joint-ventures” explique-t-il. “Aujourd’hui, il faut voir grand. Les décideurs du Golfe font l’objet d’une cour si assidue de la part du monde entier que pour les séduire, il faut se montrer à la fois persuasif et audacieux, les convaincre que l’on croit à leur développement dans la durée et que l’on est prêt à les accompagner”. D’autant que cette région est devenue une base-arrière pour beaucoup de multinationales qui s’installent à Dubaï, Abu Dhabi ou Djeddah pour piloter leur développement dans une zone beaucoup plus vaste incluant l’Afrique du Nord et de l’Est, l’Océan indien et l’Asie du Sud et du Sud-Est.

De plus le potentiel est important pour développer des partenariats triangulaires avec des acteurs locaux en pleine internationalisation comme l’opérateur télécom émirati Etisalat, qui a racheté récemment la part de Vivendi dans Maroc Telecom, et qui avec une présence dans une quinzaine de pays vient de franchir le cap des dix milliards de dollars de chiffre d’affaires. Après l’Amérique et l’Europe, l’Afrique et l’Asie sont en effet devenus les nouveaux terrains d’investissement des entreprises locales aux ambitions planétaires, soutenus par de puissants fonds souverains possédant une véritable vision stratégique à long terme.

Derrière cette vitrine officielle et presque régalienne du capitalisme khalidji, il y a aussi une pléthore de groupes familiaux qui se développent en reinvestissant les profits issus des activités de recyclage de la rente (distribution, commerce, finance) dans des industries de transformation et des services high tech. Peu de gens le savent, mais la région du Golfe compte désormais parmi les principaux hubs au monde pour l’industrie plastique avec le géant saoudien SABIC, dont la gamme de produits va des coques d’iphone jusqu’aux revêtements en matériaux composites high tech pour l’aéronautique et le spatial –, mais aussi dans la production d’aluminium, et demain peut-être dans l’automobile et l’électronique. Cette évolution est facilitée par l’insertion grandissante de la région dans les flux du commerce mondial, grâce à des ports en eau profonde comme ceux de Djeddah et de Dammam en Arabie saoudite ou de Jebel Ali aux Emirats, et à des infrastructures de communication, de transport et de logistique multimodale ultra-modernes et efficaces.

Cela correspond également aux grandes tendances à l’oeuvre à l’échelle de la planète, avec la constitution de chaîne de la valeur mondiale et un commerce international de plus en plus dominé par les échanges de composants intermédiaires et un double phénomène de fragmentation de la chaîne de production et de concentration des connaissances et des technologies au seins de clusters industriels et commerciaux à vocation régionale et mondiale. Les Etats du Golfe figurent régulièrement dans les vingt ou trente premières destinations au monde pour la facilité des affaires, telle que mesurée par le classement Doing Business de la Banque mondiale et le Global Competitiveness Index du World Economic Forum de Davos.

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L’ouvrage de François-Aïssa Touazi aborde une dimension méconnue mais fondamentale pour faire des affaires avec ces pays, à savoir la connaissance de ces hommes et de ces femmes de décision et d’influence qui dirigent les grandes entreprises, les fonds d’investissement, les groupes familiaux et les administrations publiques. Il esquisse ainsi une cartographie des décideurs toute en nuances qui permet de mesurer la sophistication et la qualité des élites locales, très loin de la vision caricaturale que l’on peut en avoir en Europe, où les touristes aperçus sur les Champs-Elysées et dans les grands palaces alimentent les fantasmes les plus insensés. On fait ainsi connaissance avec des personnages à la fois attachants et visionnaires comme Mohammed Alabbar, le CEO d’Emaar Properties, à la tête de la société la plus mythique de l’Emirat de Dubaï qui a métamorphosé le regard porté sur cette ville en l’inscrivant dans une hypermodernité à la fois horizontale et verticale. Comme le dit si bien François Aïssa Touazi, “si le cheikh Maktoum en a été l’inspirateur, Mohammed Alabbar en a été le bâtisseur”.

olayanOn y découvre aussi le parcours de la saoudienne Lubna Olayan, considérée par les magazines Time et Forbes comme l’une des femmes d’affaires les plus influentes au monde. Mariée à un avocat américain, dans un pays où les femmes n’ont pas encore le droit de conduire une voiture – mais où elles sont majoritaires parmi les diplômés universitaires -, Lubna Olayan s’est hissée à la tête de son groupe familial – la Olayan Financing Company (OFC) – pour ensuite rejoindre un grand nombre de conseils d’administration de sociétés prestigieuses. Elle est également membre de l’International Business Council du World Economic Forum, ainsi que de l’International Advisory Board du Council on Forign Relations.

Le livre de François-Aïssa Touazi regorge de portraits d’autres personnages des plus emblématiques au moins connus, mais qui sont tous animés par la même passion et la même détermination à aller au bout de leurs rêves. Sans faire l’impasse sur les nombreux défis auxquels ces pays doivent faire face (chômage élevé et qualification inadéquate des autochtones, forte dépendance vis-à-vis de la main d’oeuvre immigrée, instabilité géopolitique aux frontières et tensions politiques à l’interieur des frontières, surconsommation énergétique liée à son faible coût, etc.), on ne peut qu’acquiéser en reprenant le titre éponyme de son ouvrage : le ciel est leur limite !

* François-Aïssa Touazi, Le ciel est leur limite : Les dirigeants du Golfe, leur influence, leurs stratégies, Les éditions du Moment, 2014.

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